
Contexte historique En 1328, à la mort de Charles IV, qui ne laisse aucun héritier mâle, la branche des Capétiens s'éteint. Deux concurrents s'opposent à la succession : Philippe de Valois (cousin germain de Charles IV) et Edouard III d'Angleterre (petit-fils de Philippe Le Bel par sa mère). L'assemblée des barons, réunie à Paris, tranche en faveur de Philippe de Valois. Elle invoque la loi salique, datant des Francs, qui prive les femmes de l'héritage de la terre salique. La branche des Valois commence son règne sur la France.Philippe VI Petit-fils de Philippe III le Hardi et neveu de Philippe le Bel, Philippe VI accéda au trône à 35 ans. Il régna de 1328 à 1350. Il avait de réelles qualités humaines, un goût des lettres et un souci de la justice. Il le prouva en intervenant dans le procès de Robert d'Artois, son beau-frère, alors que celui-ci fut un des ses partisans lors de l'accession au trône.L'Artois : cause du délit L'Artois, détaché de la Flandre en 1180, avait été erigé, sous Saint Louis, en comté-Pairie en faveur de son frère Robert. Celui-ci mourut pendant la croisade en Egypte. Son fils, Robert II fut tué à la bataille de Courtrai. La fille de Robert II, la comtesse Mahaut, lui succéda comme souveraine de l'Artois, sous la suzeraineté du roi de France. Ceci fut confirmé par deux jugements en 1309 et en 1318. Elle administra le comté avec fermeté et sagesse, malgré les révoltes des nobles du comté.Vers la guerre de Cent Ans Les historiens accordent une place importante à Robert III d'Artois parmi les causes de la guerre de Cent Ans, sans qu'il en soit l'unique moteur. En 1328, Robert d'Artois revendiquait de nouveau le comté d'Artois contre sa tante Mathilde d'Artois dite Mahaut, petite-fille du frère de Saint Louis. Robert III intenta un procès devant le parlement lors duquel il produisit des faux documents. On le soupçonna également d'avoir "aidé" à la mort de sa tante. Il fut déclaré criminel et ennemi du royaume en mars 1337, et banni. Il prit alors le parti d'Edouard III et poussa le roi d'Angleterre à la guerre.Petite généalogie pour mieux comprendre Louis VIII
Le Lion
1187-1226 Blanche
de
Castille
1188-1252 en bleu
Les rois de France en rouge
Les protagonistes de l'affaireLouis IX
(Saint-Louis)
1215-1270 Marguerite
de
Provence
1221-1295 Robert 1er
Comte d'Artois
1216-1250Mathilde
de
Brabant
1224-1288 Philippe III
Le Hardi
1245-1285 Isabelle
d'Aragon
1243-1271 Robert II
Comte d'Artois
1250-1302 Amicy
de
Courtenay
1250-1275 Marguerite
d'Anjou
x-1299 Charles
Comte
de Valois
1270-1325Catherine de Courthenay
1274-1307 Philippe d'Artois
1269-1298Blanche
de
Bretagne
1270-1327 Mathilde d'Artois
(Mahaut)
1270-1329Othon IV
Comte de Bourgogne
1248-1302 Philippe VI
de Valois
1293-1350Jeanne
de
Valois
1304-1318 Robert III d'Artois
Comte de
Beaumont-le-Roger
1287-1342 Thierry d'Hireçon...et Jeanne de Divion Thierry d'Hireçon était le principal ministre de la comtesse Mahaut d'Artois. En juin 1328, il devient l'évêque d'Arras. Pendant les douze dernières années de sa vie, il eut, ce que l'on appelait à l'époque une bonne amie. Jeanne de Divion, fille d'un gentilhomme de Béthune, s'était séparée de son mari pour vivre chez l'évêque. A sa mort, celui-ci l'aurait inscrite sur son testament, pour des maisons et des sommes en or. Malheureusement, et l'évèque n'y pouvait rien, l'exécutrice testamentaire était la comtesse Mahaut. Jeanne de Divion ne devait jamais voir l'ombre de l'héritage et en conçut une grande haine contre la comtesse Mahaut.
La tentative de Robert III contre Mahaut pour récupérer le comté d'Artois est l'occasion révée pour Jeanne de Divion d'assouvir sa vengeance. Elle propose à Robert d'Artois la fabrication de faux documents attestants les droits de celui-ci sur le comté d'Artois. Hélas, la ficelle était trop grosse. Le parchemin parait trop récent et le sceau est douteux. L'affaire est jugée en 1329 ; Robert d'Artois fut banni et Jeanne de Divion brûlée vive le 6 octobre 1331. Miniature du procès de Robert d'Artois, XIVème siècle
Document Bibliothèque nationale de France, Photo B.N.F.
Documents On retrouve dans le Trésor des Chartes d'Artois la trace de cette affaire, à travers les documents suivants : (1)27 mai 1329 : Interrogatoire de Marote dite de Bétencourt, mesquine de la demoiselle de Divion, par Alyaume Cacheleu, bailli d'Arras, en présence de Gilles de Bléci, Jehan de Menricourt et Mathieu le Renyaume, hommes de la comtesse d'Artois. Le vendredi après la Passion, Marote "a vu sa maîtresse faire transcrire par Jacot, le clerc aux échevins d'Arras, sur un parchemin scellé d'avance, un acte rédigé sur parchemin non scellé : il a reçu 12 mailles blanches pour ce travail ; la demoiselle de Divion lui a dit que c'était un acte de l'évêque d'Arras portant que le comté d'Artois appartenait à Robert "et que messires li evesques volait que, parce que il avoit consenti que madame d'Artoys avoit ewe la conté d'Artoys, que, se il moroit avant que messires Roberts, que il preist et eust de ses biens pour restitution"
1er juin 1329 : Procès-verbal notarié de l'interrogatoire de Marote dite de Bétencourt, mesquine de la demoiselle de Divion, en présence d'Aliaume Cacheleu, bailli d'Arras, de Jehan de Willerval, Gilles de Neufville, Hue sire de Norhont, Sauvale Crespin, chevaliers, Sauvale Wyon, Jacques de Paris, Jacques de Boulogne, Tolard de Burienne, Pierre de Courcelles, Thomas d'Erlencourt, Mathieu de la Porte, René Moke, hommes de la comtesse d'Artois, et Pierre Cacheleu, Guillaume de Marchiennes, Hugues Dourier ; déposition presque identique à la précédente ; Marote ajoute quelques détails sur le sceau pendant à la feuille de parchemin : il était vert, représentant un évêque qu'elle a cru reconnaître pour Thierry d'Hireçon, jadis évèque d'Arras.
3 juin 1329 Interrogatoire de Marote dite de Béthencourt, en présence de Gilles d'Auteville, Gilles de Neufville, Jehan de Willerval, Sauvale Crespin, chevaliers, et Sauvale Wyon, Jacques de Paris, Pierre et André de Courcelles, frère Thomas d'Erlaincourt, Mathieu Cosset, Mathieu de la Porte, Robert de la Fontaine, hommes de la comtesse ; déposition identique aux précédentes Marote ajoute qu'elle a vu sa maîtresse fendre un sceau à l'aide d'un couteau qu'elle mouilla dans sa bouche.
24 juin 1329 Déposition de Marote de Lannoy, mesquine de la demoiselle de Divion, par devant Jehan Le Borgne de Meudon, Sauvale Crespin, chevaliers, André et Pierre de Courcelles, Robert de la Fontaine, Thomas d'Erlencourt, Thibaut Bourgeois, Jacques de le Mart, Mathieu de la Porte.
24 juin 1329 Déposition de Maroie de Foukières, par devant le maire d'Arras, Mathieu Cosset, Hue Maille, Colard de Buryane, Jacques e Paris, Jehan de Bodard et Mathieu de la Porte. Elle rapporte quelques propos qu'elle tient des servantes de la demoiselle de Divion ; celle-ci aurait dit avoir beaucoup perdu à la mort de Thierry, évêque d'Arras, parce qu'il lui confiait toutes ses clefs et faisait ses volontés ; la demoiselle de Divion avait fait transporter chez Maroie "aucuns biens comme draps, peliçons, pennes, courtines, draps de lit et quatre forgers petis" qu'elle lui donnait à garder ; en son absence des sergents et deux servantes de ladite de Divion ont forcé sa porte et repris ces biens ; ils croyaient qu'elle les avaient livrés à la comtesse Mahaut ; mais ils les ont reconnus intacts, et elle jure que nul des gens de la comtesse ne lui a rien demandé et n'a pénétré chez elle.
1er juillet 1329 En la chapelle Saint-Martin de l'église N.D. d'Arras, en présence de Pierre de Limoges, Gilles de Blécy, Robert d'Ablaing, Hugues de Dourier et plusieurs autres, interrogatoire de Jacques Rondeles, clerc de Nicolas, clerc des échevins de la cité d'Arras : il déclare avoir transcrit pour la demoiselle de Divion un acte qu'elle lui a dit être extrait d'un autre acte qu'elle tenait en sa main pliée et dont il voyait le sceau de cire verte à l'image d'un évêque ; elle lui a dit qu'elle ne montrerait pas même au roi cet original, dût-elle être bannie du royaume ; elle a exigé son serment de ne rien révéler, mais il reconnaîtra sa copie à une rature placée avant la date. Dans cet acte il était dit que le comté d'Artois devait revenir, à la mort du comte Robert, aux enfants de Philippe d'Artois, en vertu du contrat de mariage de Philippe et de Blanche, acte dont une copie avait été enregistrée à la cour du Roi à Paris, puis enlevée par Enguerran de Marigny, à l'instigation de l'évêque d'Arras, et l'autre était restée en la possession de l'évêque d'Arras, qui se repentant d'avoir mal agi, laissait tous ses biens à Robert d'Artois.
30 septembre 1329 Procès-verbal relatant qu'en présence de Simon Faverel, maire d'Arras, de Jacques de Paris, Benoit Le Clop, Regnaut le Cat, francs hommes de la comtesse d'Artois, Jacques d'Aire procureur de ladite comtesse a fait comparaître Lyenar Avion, Gilles des Porcheranes, Jacques dit Faveriaus, Gerart dit de Haute-Oreille, Maroie sa femme, Baudoin de Dainville, Maroie dite la prévoste, Guillaume dit de Wendin, Simon David, Jehan Le Miesier et Jehan dit Forestier et leur a demandé s'ils ont vu, le dimanche avant la Pentecôte, des sergents du roi venir réclamer au bailli d'Arras Marote de Béthencourt et Marote de Lannoy, mesquines de la demoiselle de Divion, détenues en prison et si le bailli d'Arras ayant demandé aux susdites si elles avaient à se plaindre des gens de la comtesse Mahaut et si on leur avait rien fait dire par force ou par menace, elles ont répondu qu'elles se louaient du bailli et de ses gens et avaient toujours parlé très librement : Jehan Forestier, au nom de tous, atteste qu'ils ont vu et oui comme l'a rapporté le procureur de la comtesse.

La Croix de Grès a donné son nom à un carrefour, au croisement de la RN 41 et de la départementale 341 et les nombreux automobilistes qui se rendent sur le littoral chaque fin de semaine ne peuvent manquer de l'apercevoir lors de la traversée de Divion en direction de Saint-Pol.
Cette croix fait véritablement partie du patrimoine local. Elle se trouvait déjà à cet endroit au XVème siècle. La tradition veut qu'une femme folle de douleur après le décès de son enfant ait été retrouvée morte à cet endroit, les bras serrant la croix de bois qui avait été plantée à l'endroit où son fils avait lui-même trouvé la mort. Pour commémorer ce tragique événement, une croix de grès avec, en son centre, la Pieta, la Mère de Dieu tenant son Fils entre les bras, avait été érigée sur cet emplacement.Une autre version attribue une fonction expiatoire à ce monument.Elle trouverait son origine dans la trahison de Jeanne de Divion, brûlée vive le 6 octobre 1331. Pour assouvir une vengeance envers Mahaut d'Artois qui lui refusait l'héritage de Thierry d'Hirson, son défunt mari, Jeanne de Divion n'hésita pas à faire fabriquer de faux documents attestants des droits de Robert d'Artois sur le comté d'Artois au détriment de sa tante Mahaut. Ce sont ces faux qui allaient entraîner Robert d'Artois à faire entrer en conflit Edouard III, roi d'Angleterre et le roi de France, déclenchant ainsi la guerre de Cent Ans.
La chute et le relèvement
Ce vénérable témoin de l'histoire locale avait été victime du vandalisme révolutionnaire avant d'être relevé et maintenu à une colonne par une ceinture métallique. D'une hauteur de 4,80m, il semblait défier les siècles. Mais la civilisation de l'automobile, l'intensité du trafic à cet endroit devait avoir raison de lui : le 22 juin 1990, à midi, l'armature métallique qui retenait la croix à son support se rompait, provoquant la chute de la croix qui se brisait en douze morceaux. Puis vint l'heure de la résurrection : les Monuments Historiques entreprirent la restauration de l'édifice et dans quelques semaines ce témoin d'une histoire multiséculaire redeviendra le symbole de cette cité. (1)
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